25 oct. 2015

Hansel & Gretel: fascination et terreur des contes de fées




Les contes de fées ne révèlent pas aux enfants 
que les dragons existent.
Les enfants le savent déjà.
Les contes de fées révèlent aux enfants
qu'il est possible de tuer les dragons.
-G.K. Chesterton

Étant une enfant Disney, sevrée au sucre et à la poudre de fée, je n'ai été initiée que très tardivement au travail de Jacob et Wilheim Grimm. Deux frères qui, sillonnant la campagne allemande, ont patiemment transcrits les contes issus de la sagesse populaire dans un but essentiellement philologique: remonter au fondement de la pensée humaine en questionnant l'origine de ces histoires qui, si elles sont issues de cultures différentes, possèdent néanmoins une trame commune. Car sous leurs travers fantaisistes les contes parlent de l'expérience humaine ; ils enseignent quelque chose. Pour l'essentiel, il raconte un passage, forcément difficile et gêné de milles et unes embûches mais qui, bien souvent, s'accomplit heureusement en dépit de tout. Ils font état d'une nécessité, celle du passage de l'enfance à l'âge adulte. Selon une conception archaïque de ce passage dont le conte est fortement teinté, cette étape ne peut être que douloureuse, périlleuse et ne saura être surmonté sans une initiation préalable. C'est pourquoi l'enfant qui s'égare dans une forêt impénétrable, piégé par une vieille femme qui rêve de le rôtir doucement sur la braise, ne pourra se fier que sur ses capacités pour se tirer du pétrin. Nous avons donc un cadre angoissant, une histoire qui aborde la thématique du cannibalisme et une maison construite entièrement de friandises. Vous aurez compris que nous parlons de contes de fées aujourd'hui sur le blog. Il était une fois: Hansel et Gretel. 



Nul besoin de vous narrer les mésaventures de ce couple de frère et soeur qui, abandonné en pleine forêt à la demande de leur vilaine marâtre, se retrouve piégé dans l'antre sucré de la sorcière. Ce classique des classiques trouve toujours une place de choix dans les recueils de contes puisqu'il cristallise l'utopie même de l'enfance: la maison en pain d'épice.  Je vois encore mini Vicky, les yeux ronds comme des soucoupes devant l'image aux milles couleurs gourmandes et succulentes de ce palais des friandises. Des fondations de pains d'épices sucrés, des fenêtres soufflées en sucre d'orge, un toit recouvert de réglisses, des ornements en jujubes multicolores. What's not to like ? Le problème avec cette avalanche de glucose colorée c'est qu'elle nous fait oublier la tragédie et l'horreur qui est au centre de ce conte : deux pauvres enfants abandonnés par leur parents , trop pauvres pour subvenir à leurs besoins, se voient confronter au fait , terrible mais réel, qu'ils peuvent devenir de la nourriture pour un autre être humain. Suffit les digressions sucrées!

L'auteur Neil Gaiman et l'artiste Lorenzo Mattotti n'ont pas été dupes. Chacun se souvient d'avoir ressenti ce mélange d'horreur et de fascination à leur toute première lecture; une première rencontre avec la noirceur au cœur du conte. Cette angoisse initiale, ce sentiment d'impuissance et de peur, a été distillée entre les pages de cet album, publié dans sa version française aux éditions Gallimard jeunesse. Aucun changement majeur n'a été porté au texte des frères Grimm, c'est davantage l'univers graphique qui innove. Là où s'étalait une myriade de couleurs éclatantes, il ne reste plus qu'un univers chromatique de noir et de blanc. Les volumes élaborés à grands coups d'encre de chine laissent poindre les silhouettes de deux enfants apeurés, perdus dans une lugubre forêt d'ébène. Même la maison de la sorcière, toute de sucre bâtie, ne semble plus aussi alléchante. Mattotti imagine une sombre et froide demeure aux planches disjointes dont les sucreries, depuis longtemps fondues au soleil, n'ont laissées sur les murs que des traces collantes et sucrées ; véritable piège à miel pour les enfants esseulés.

Si l'on a dépoussiéré Hansel & Gretel de la magie et de l'émerveillement, c'est dans le but de revenir à l'essentiel: recentrer l'intrigue autour de protagonistes perspicaces aux prises avec de sombres et dangereux problèmes. C'est à cela que l'on reconnait un vrai conte de fée.




Vicky



Pour d'autres suggestions de lectures d'horreur, cliquez ici.

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